texte de Marie Canet, pour l'exposition l'INSTITUT LUGOSI
du 8 septembre au 26 octobre 2024 - Galerie Air de Paris
It’s About You
When I’m flying in the air, I really feel free, its really like real. In the other hand I’m bound with rope to the center of something.
Asagi Ageha
1983, née Mïrka Lugosi. Au début, c’est une identité fictive pour signer les images produites pour les médias et une presse féminine plutôt conservatrice - Cosmopolitan ou Marie-Claire notamment. Et puis, rapidement, elle se présente sous ce nom et signe avec son travail artistique. Elle illustre les textes érotiques de l’écrivain symboliste Pierre Louÿs et participe activement à la scène électro-bruitiste française. Elle est membre du groupe Entre Vifs fondé par les artistes Zorïn et Ruelgo dans les années 80. Elle y explore les enjeux de la sculpture sonore et de l’improvisation collective en circuit. Sur scène, elle active des objets, joue sur une grille de frigo avec une brosse métallique, manipule des éclateurs en hurlant. C’est l’époque des angles affutés, des couleurs saturées, Nina Childress participe à la fondation du groupe Lucrate Milk et Cosey Fanni Tutti quitte Throbbing Gristle afin de voler de ses propres ailes. Lydia Lunch tourne avec Teenage Jesus and the Jerks, Atomic de Blondie passe sur les radios françaises et L’Empire des sens de Nagisa Ōshima est rejoué dans les salles d’art et d’essai. Mïrka, elle, performe en femme-cyborg et s’invente ce nom dont elle aime la musicalité. Il possède des connotations ténébreuses empreintes d’ambiguïtés sexuelles : Mïrka, en référence à l’héroïne Carmilla, de la nouvelle au titre éponyme publiée en 1872 par l’auteur irlandaise Sheridan Le Fanu; Lugosi, en référence à l’acteur Béla Lugosi connu pour ses incarnations du comte de Dracula immortalisées par Tod Browning en 1931.
Elle commence ainsi sa collaboration avec le photographe Gilles Berquet. Elle pratique la contrainte de la pose et devient ainsi travailleuse du sexe sans revendiquer de place particulière sur la scène fétichiste. Et cependant… son expérience de la sujétion est encore un moteur de création revendiqué par l’artiste comme le montre la série Les expérimentales. Mïrka y développe tout un vocabulaire féministe queer lié à la question de l’activation du plaisir, de l’autonomie, du jeu avec des instruments. Comme toujours, elle représente des femmes dans des mondes sans hommes, occupées et stimulées par ce qu’elles font. Concentrées, elles sont agissantes sur la matière et improductives. Elles vivent des expériences uniques dans les espaces très privés de l’imaginaire et de la créativité - c’est pourquoi ils sont érotiques. Pour Lugosi, ces femmes s’exercent et ont du pouvoir sur ce qu’elles font. Elle dessine les espace-temps enveloppant qu’elles possèdent, dans lesquels elles sont comme métaphysiquement suspendues. Et ici, il n’y pas d’intrusion.
Utopie ou maîtresse?
Je pencherais pour la deuxième hypothèse car l’attitude des protagonistes, leurs looks science-fiction de l’entre-deux-guerre ou comics nord-américains, ainsi que la dimension performative de leurs actions, évoquent ces espaces d’émancipation autonomes où s’exercent les limites élastiques de la liberté. Asagi Ageha en parle comme d’une expérience en réalité, c’est-à-dire enchâssée dans un réseau de dépendances matérielles aux effets émancipateurs bien réels sur le corps et l’imaginaire. Les expérimentales, comme elle, dissolvent les chaînes avec la complicité des objets.
Marie Canet
English version of the text by Marie Canet
It’s About You
When I’m flying in the air, I really feel free, its really like real. In the other hand I’m bound with rope to the center of something.
Asagi Ageha
Mïrka Lugosi was born in 1983. At first, this fictitious identity was used to sign images produced for the media and rather conservative women’s magazines, including Cosmopolitan or Marie-Claire. But soon, the artist went by this name, using it to sign her work. She illustrated the erotic texts by symbolist writer Pierre Louÿs and played an active role in the French electro-noise scene. She was a member of the group Entre Vifs, founded by artists Zorïn and Ruelgo in the 1980s, in which she explored the stakes of sound sculpture and collective loop improvisation. On stage, she activated objects, playing on a fridge shelf with a wire brush, or handling spark gaps while yelling. This was the time of sharp edges and saturated colours. Nina Childress had co-founded the band Lucrate Milk and Cosey Fanni Tutti had left Throbbing Gristle to strike out on her own. Lydia Lunch was touring with Teenage Jesus and the Jerks, Blondie’s Atomic was playing on French radio and Nagisa Oshima’s In the Realm of the Senses was being screened again in art-house cinemas. As for Mïrka, she was performing as a cyborg-woman, inventing this name whose musicality she liked. It carried dark connotations imbued with sexual ambiguity: Mïrka, in reference to Carmilla, the heroine of the eponymous short story published in 1872 by the Irish author Sheridan Le Fanu ; Lugosi, in reference to the actor Béla Lugosi, known for his performance of Count Dracula immortalised by Tod Browning in 1931.
That’s when she began her collaboration with photographer Gilles Berquet. She experienced the constraints of posing and thus became a sex worker without claiming a particular place on the fetishist scene. And yet, her experience of submission has remained a creative driving force that is claimed by the artist, as revealed by the series Les expérimentales. The latter develops a whole queer feminist vocabulary tied to the issue of activating pleasure, autonomy and playing with instruments.
As always, she depicts, in manless worlds, women who are busy and stimulated by what they are doing. Focused, these women are unproductive and have agency in the material world. They live unique experiences in the very private spaces of imagination and creativity — which is why they are erotic. For Lugosi, these practicing women have control over what they are doing. She draws their enveloping spacetime, in which they seem to be metaphysically suspended. And here, there is no intrusion.
Utopia or mistress ?
I would go for the second assumption, because the characters’ attitude, their interwar Sci-Fi or North American comics looks, as well as the performative dimension of their actions, recall these spaces of self-determined emancipation, wherein the elastic limits of freedom are exercised.
Asagi Ageha describes it as an experience of reality, that is, being embedded in a network of material dependency with very real emancipatory  effects on the body and the imagination.
Like her, Les expérimentales, dissolve chains with the help of objects.
Marie Canet
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Texte de Florian Gaité pour l'exposition FIGURES
au CRAC de Sète en 2015
Sous le commissariat de Noëlle Tissier, le Crac de Sète accueille la monographie de Mïrka Lugosi qui explore avec force le potentiel plastique du fantasme et de la fantaisie. Servi par un accrochage méticuleux, le parcours de l’exposition offre une plongée dans une poésie étrange et facétieuse, mettant en tension figures naturelles et géométriques.
Mïrka Lugosi cherche à donner à sa vision mentale l’intensité et la précision de sa perception optique. En effet, bien que ses «Figures» relèvent assurément d’un pur travail fantasmatique, le rendu semble lui au contraire viser un certain naturalisme, conférant à ses modèles une intensité, une présence, une existence crédible. Essentiellement constituée d’œuvres réalisées entre 2013 et 2015  (des dessins, des impressions numériques, une vidéo), l’exposition rend compte du travail accompli durant deux résidences, au domaine d’Abbadia à Hendaye et à L’Appart à Poitiers. Faisant lien entre son vécu et l’imaginaire qu’il a suscité, Mïrka Lugosi donne corps à ces expériences de création à travers une icono- graphie allant du figuratif au figural, de la reproduction d’objets concrets à l’expression de forces libidinales.
Avec le dessin, son medium principal, Mïrka Lugosi semble illustrer toute la polysémie du terme «figure», désignant à la fois l’apparence extérieure (la figure humaine) et l‘abstraction intellectualisée (la figure géométrique). Les compositions graphiques, et leurs reproductions numérisées puis agrandies, sont en effet marquées par cette ambivalence eshétique qui met en tension réel et fantaisie, vérité et illusion, matière et concept. Empruntant aux avant-gardes de la modernité (à un héritage surréaliste bien assimilé), à la culture fétiche comme aux représentations domestiques des années 1950, Mïrka Lugosi ne fait pas de distinction entre les représentations collectives et les fantasmes personnels qu'elle mobilise. Dans ses environnements, tous ces résidus psychiques en effet se confondent. La nature prend des allures érotico-chimériques, le décor se transforme en «paysage excentrique» ou «carnivore» — peut-on lire parmi les titres — où des figures humaines (des femmes fortes, dominantes et debout) s’hybrident avec des animaux ou des végétaux. motifs opèrent un rappel clair au monde biologique, mais le traitement qu’elle leur réserve est aussi empreint
de significations psychologiques : des cordages emmêlés, récurrents dans ses œuvres, souvent à l’arrière plan, se présentent par exemple comme des nœuds borroméens compliqués à l’absurde, figurant les méandres de la psyché. Expressions simultanées du désir et de l’angoisse, plongés dans une atmosphère grise, les dessins ne sont jamais pour autant  réellement noirs ou mortifères, comptant sur l’humour et le jeu pour conjurer les peurs et les violences qu’elle couche sur papier. 
Mais ce qui d’évidence force le respect est la finesse du trait et la minutie du détail. Cette précision technique confère aux dessins des nuances délicates, notamment celle des jeux d’ombres et des représentations anatomiques. Toutes réalisées au crayon graphite fin (4H), les illustrations obligent le public à se rapprocher, à les scruter, à les examiner de près pour prendre la mesure de la graphie patiente de Lugosi. L’accrochage, réalisé en collaboration avec Gilles Berquet, procède du même soin. Assurant une continuité linéaire, dessinant des courbes organiques, il met en valeur les échos chromatiques ou les résonances formelles entre les œuvres, et trace un parcours comme une errance sans histoire dans un imaginaire débridé.
Cette maîtrise du geste n’empêche toutefois pas Mïrka Lugosi d’assumer les accidents, à l’image des tâches aux couleurs minérales qui viennent parfois se substituer aux visages. De fait, même dans l’imprévu, Lugosi trouve toujours un remarquable équilibre dans les compositions, qu’elle doit à sa pensée bricoleuse certes, mais encore à son œil de coloriste. Les fonds mats, bleus, verts ou couleur terre rehaussent ainsi en douceur la chromie générale. L’ajout de traits aux tons plus vifs, comme ces flammes qui détourent une silhouette, ne vient pas non plus jurer avec le dégradé au crayon gris, quand  l’ajout parcimonieux de parallélépipèdes monochromatiques agit comme un moyen de structurer la vision, d’offrir des points de stabilité dans des lieux sans fond.
Les Autoportraits numériques constituent le second corpus d’œuvres présentées. Réalisée en 2015, cette série rassemble des photographies tirées en négatif, représentant des sujets vus de dos. Par ce jeu constant de voilement, de masque ou de contre-perspective, Mïrka Lugosi exprime, non sans humour, une identité à revers. Muse de Gilles Berquet, icône de la scène bondage et sado-masochiste, elle cultive paradoxalement dans ses oeuvres un certain secret, à contre-emploi de l'usage du portrait. Leur rendu rappelle celui des photogrammes, dénotant une facture graphique aui permet de concevoir les photographies comme des projections de dessins mentaux. ...
Lugosi, qui ne se dit pas photographe, attache une grande importance à la picturalité de ses œuvres. Colorisées in situ grâce à des filtres de gélatine bleue ou rouge, les scènes s’apparentent sous bien des aspects à des peintures, d’autant que l’ajout d’un monochrome encadré, accolé au tableau principal, en rappel d’une des teintes principales, renforce la référence à l’art abstrait.
La vidéo Mirages, de 23 minutes, donne de nouvelles preuves de la sensibilité acérée de Mïrka Lugosi. Isolée en pleine nature à Hendaye, elle redécouvre le rapport à la nature et le sens de l’espace. Elle affirme sa force d’observation, cette attention soutenue portée à son environnement : trajectoires animales ou passage de l’eau, elle capte les dynamiques d'une nature elle-même dessinatrice, qui, entre événement et dégradation, exhibe ses propres motifs. Expérimentale, la vidéo présente également une succession de patterns kaléidoscopiques, posant ces figures abstraites au niveau des êtres animés. Dans une vitrine enfin, des ronces, des gomme qui, en soutenant la page de livres à peine ouverts, en laissent entrevoir le contenu et la boule à neige qui réactive un principe d‘anamorphose rappellent le public à ses propres projections fantasmatiques et l’œuvre de Mïrka Lugosi à sa puissance d’illusion.
Florian Gaité
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Texte de Thibaut de Ruyter pour le magazine Roven n° 13 / 2017
Mais qui est donc vraiment Mïrka Lugosi ?
Il existe un dessin de Mïrka Lugosi daté de 2014, où l’artiste se représente nue (on reconnait sa coiffure emblématique), assise sur un coin de table, fumant une cigarette. Trois hommes sans mains, pieds et têtes se prosternent devant elle. En légende, l’artiste a écrit directement en bas de la feuille de format A4 : « Ils suppliaient tous Mïrka pour qu’elle refasse des dessins sexuels ». Un crayon sur-dimensionné se tient à côté d’elle, planté sur la table, droit comme un i. Elle domine la situation et ne semble pas prête à céder aux avances de ses fans. 
De nombreuses personnes ont découvert Mïrka Lugosi par ce qu’elle appelle ses « dessins sexuels ». Avec un trait précis et des atmosphères qui rappellent Hans Bellmer, Unica Zürn ou Namio Harukawa, elle représente des femmes aux allures de pin-up — talons aiguilles, masques et lingerie transparente à l’appui — dans des situations qu’il convient d’appeler d'explicites. Le sexe, ici, n’est pas onirique, suggéré ou poétique ; elle dessine l’acte et diverses formes de pénétration par des objets, arbres tortueux ou animaux dangereux. Heureusement, la finesse du trait et l’ambiance générale des oeuvres  nous permet de ne pas regarder ces dessins comme on le ferait d’une triste photographie trouvée dans les basfonds d'internet. Il y a du luxe dans les dessins de Mïrka Lugosi — un luxe de production, de détails et d’objets — et c’est ce luxe qui sauve la situation. Le dessin a encore ce pouvoir que la photographie n’a pas : représenter des situations extrêmes (voire interdites, telle la zoophilie), sans créer de dégout. Il permettra toujours d’accentuer la courbe d’une hanche quitte à rendre le corps anatomiquement impossible, de déformer certaines parties, d’adoucir une ombre ou de souligner un détail. Toutes les images de mode que nous connaissons sont retouchées à l’extrême et, là aussi, il n’y a rien de réel dans  ces images mais le dessin, à l’opposée de la photographie, ne prétend pas vendre une réalité. Si dans une séquence du film Vent d’Est (1970) du Groupe Dziga Vertov on peut lire sur l’écran : « Ceci n’est pas une image juste, c’est juste une image », il conviendrait de dire ici : « Voilà juste un dessin » et, de fait, une réalité nourrie de fantasmes. On peut tout faire avec un crayon et du papier (même les pires ignominies), à la condition expresse de déformer la réalité des corps et de leur environnement. Certains verront là du surréalisme (mais désormais tout le monde trouve du surréalisme dans la moindre oeuvre associant librement des éléments hétéroclites) alors qu’il s’agit plutôt de présenter, de manière subtile, des fantasmes poussés à l’extrême. Il existe cependant un lien direct entre la photographie et le dessin de Mïrka Lugosi : elle partage sa vie et son atelier avec un photographe, Gilles Berquet, et faire abstraction de leur relation serait un mensonge. On peut ainsi reconnaître, dans un dessin de Mïrka, la pose d’une jeune femme issue d’une photographie de Berquet tandis qu’elle assiste aux séances du photographe et y réalise ses propres clichés, esquisses photographiques pour de futurs dessins. Leurs univers se complètent mais leur échange va plus loin puisque, récemment, ils ont même co-signé un livre : Doctor Seek and Mister Hide où Mïrka dessine à même les photographies de Berquet. Elle connaît donc parfaitement les possibilités, les limites et les forces de la photographie et sait qu’il ne suffit pas d’aller fouiller dans Google-Image pour trouver des motifs et sujets dignes d’être dessinés.

Amazones Modern-Style
En observant les 200 « dessins sexuels » que l’artiste a mis à ma disposition pour écrire ce texte, une chose est frappante : les hommes en sont totalement absents. Le titre de sa rétrospective au Confort Moderne de Poitiers en 2011 s'appelait d'ailleurs L’homme invisible, hommage au cinéma de série B qui semble tellement lui plaire mais, dans le même temps, ligne de conduite aux allures de programme stratégique. Le monde de Mïrka Lugosi est rempli de femmes et d'adolescentes qui chevauchent des formes phalliques, exposent leur quasi-nudité avec fierté, s’amusent entre elles et lorsqu’un sexe masculin apparaît, il est totalement isolé à la manière d’un godemichet. Il devient objet, jouet, outil de plaisir réservé à des femmes qui n’ont pas besoin de présence masculine. On pourrait même imaginer que Mïrka Lugosi a signé un contrat secret afin d’abandonner les hommes à un autre dessinateur qui ne s’intéresse, lui, pas du tout aux femmes : Tom of Finland. Les jeux sexuels qui se déroulent ici sont raffinés et les sourires sur les visages resplendissants. Reste que cette absence d’hommes est plus signifiante qu’il n’y paraît. Car la pratique du « dessin sexuel » est, le plus souvent, réservée aux hommes. Il s’agit de dessinateurs qui parlent aux hommes, qui représentent des fantasmes masculins où la domination entre partenaires de sexe opposé joue toujours une part importante. On pourrait citer Hans Bellmer (pour la précision du trait, le sadomasochisme et le rapport à la nature), Namio Harukawa (pour les femmes puissantes qui prennent le contrôle sur des gringalets soumis), Michael Kirkham (pour le sadisme violent et le fétichisme du gant) Mead (pour la fausse naïveté liée à l’adolescence). Dans tous les cas, leur manière de représenter la féminité relève toujours d’un jeu de soumission où seul Bellmer place l’homme dans le rôle du dominant tandis que les autres abandonnent systématiquement leurs personnages masculins à des femmes qui prennent le contrôle. Le monde de Mïrka Lugosi serait plutôt peuplé de femmes habitant sur les bords du fleuve Thermodon, en Cappadoce, et que l’on appelle amazones. Elles sont entre-elles, guerrières, dominatrices, et choisissent librement leurs plaisirs. Cette figure de l’amazone est, évidemment, un fantasme classique pour les hommes qui se rêvent d’échouer, un jour, au milieu d’une pareille communauté. Sauf qu’ils ne comprennent pas qu’ils n’y sont pas nécessaires et n’y ont aucun avenir.

Un cheveu sur la langue
Mais résumer Mïrka Lugosi à ses dessins est une erreur. Sa coiffure — qui rappelle la perruque que porte Bulle Ogier dans le film de Barbet Schroeder Maîtresse (1975) —, est une oeuvre en soi. Elle fait partie de la création d’un personnage, au même titre que l’usage d’un pseudonyme et d’un choix de vêtements. Et si les chevelures les plus complexes sont présentes dans ses dessins c’est autant pour la prouesse technique qu’elles demandent que pour souligner encore plus son propre signe de reconnaissance. D’ailleurs, pour l’anecdote, Mïrka Lugosi se passe de coiffeur et, tout comme Eileen Gray dans le beau miroir qu’elle avait conçu à cet usage en 1927, se coupe elle même les cheveux. Un geste créatif mais, aussi, d’émancipation moderne. Qu’elles soient nues ou habillées, qu’elles portent un masque de Fantômette ou une nuisette transparente laissant apparaître la fente d’un sexe, toutes les femmes de Mïrka Lugosi arborent des coiffures complexes au goût rétro affirmant leur allure de pinup. Cette fascination pour le cheveu se retrouve, d’ailleurs, dans un petit leporello de photographies intitulé Salon de coiffure créé par l’artiste en 2008 et où elle joue avec des poupées aux longs cheveux blonds. Mais la chevelure est évidemment un poème torride de Charles Baudelaire, ou Kim Novak dans Vertigo (1958) d’Alfred Hitchcock : le chignon savamment enroulé devient un trou noir aspirant tout autour de lui, l’oeil d'un cyclone, une parfaite métaphore du sexe de la femme. Et parfois, dans les dessins de Mïrka Lugosi, lorsque le cheveu se dénoue pour devenir tresse ou mèche abondante, il en se transforme en un jouet phallique. Dessiner une chevelure est une des choses les plus difficiles qui soient, on ne représente en aucun cas les cheveux un à un, il faut inventer l’impression de volume, de masse et de matière en quelques coups de crayon. Mais c’est sans doute dans ce détail omniprésent que se révèle, finalement, la sexualité la plus troublante des dessins de Mïrka Lugosi.

Lugosi vs. Fanni Tutti
Lorsqu’on demande à Mïrka Lugosi de citer des références qui ont compté pour elle, elle évoque Throbbing Gristle, le groupe qui inventa la musique industrielle en 1976. On y trouve une femme répondant au pseudonyme de Cosey Fanni Tutti qui, avant de devenir musicienne, réalisa du Mail Art, représenta l’Angleterre à la Biennale de Paris en 1975, posa nue pour des magazines, fit des performances provocatrices et intitula son exposition la plus célèbre Prostitution (1976), dans le célèbre ICA de Londres. On peut voir les trajectoires et carrières de Cosey Fanni Tutti (de son vrai nom Christine Newby) et Mïrka Lugosi (dont personne ne connaît le véritable nom, lieu ou date de naissance) comme deux histoires inversées. L’une vient de l’art pour passer à la musique, l’autre vient de la musique — Mïrka Lugosi fut membre du groupe Le Syndicat entre 1984 et 1987 — pour intégrer le monde de l’art. Mais, dans les deux cas, le pseudonyme, le féminisme assumé par le contrôle de sexualité et l’importance de la transgression fédèrent leurs parcours. Simplement, nous ne sommes plus dans les années 1980, il est devenu de plus en plus difficile de choquer et ses pionnières en sont parfaitement conscientes. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter les horreurs que les polémistes balancent sur les chaînes de télé ou de trainer dans les bas-fonds de l’Internet. La provocation des mouvements punk et industriel ne peut plus fonctionner car la société devient chaque jour un peu plus vulgaire. Voilà tout le génie des dessins de Mïrka Lugosi : elle provoque tout en gardant un sourire charmeur.

Fatiguée
Pour reprendre une expression de Yann Chevalier, Mïrka Lugosi a eu plusieurs vies : modèle, dessinatrice, photographe, collectionneuse d’objets hétéroclites, vidéaste, performeuse, muse, membre d’un groupe de musique industrielle… Et, ces derniers temps, elle se dit fatiguée de dessiner. Elle veut que les hommes la supplient de faire de nouveaux "dessins sexuels » et pousse le vice à s’insulter afin de « finir ce putain de dessin feignasse ! ». Il y a sans doute trois raisons à cela. La technique employée par l’artiste est éreintante, chaque dessin demande du temps et de la concentration. On est dans un exercice physique qui, même s’il reste de format réduit, ne va pas sans épuisement. Deuxièmement, il est difficile de renouveler nos fantasmes — même les plus étranges —, tous les trois mois. Il est, évidemment, toujours possible de complexifier les scénarii, d’ajouter plus de personnages et d’objets, de dessiner des coiffures de plus en plus complexes mais cela, on le sait, n’est qu’une recette pour faire plaisir au marchand d’art qui trouve là un argument de vente imparable : "voici le plus grand dessin que l’artiste aie jamais produit ». Troisièmement, c’est un enfermement dans une technique pour une artiste qui, dès le début, pratiquait de nombreuses formes d’art nourries par ses obsessions. Car finalement la première oeuvre d’art jamais réalisée par Mïrka Lugosi est un work-in-progress qui s’appelle simplement Mïrka Lugosi : une création, une figure fabriquée de toutes pièces et ce qui importe, avant tout, est de construire une mythologie d’amazone à la coiffure impeccable.
Thibaut de Ruyter

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Texte de Julie Crenn pour les Éditions Derrière la Salle de Bains
 Transfigurer le Féminin. Mirka Lugosi
Les dessins de Mïrka Lugosi semblent comme extraits de songes inavouables. De moments évanouis où fantasmes, imaginaire et fantaisies s’entremêlent sous nos yeux. Son trait est lumineux. Sa palette est évanescente. Les paysages incarnent l’Inquiétante étrangeté décrite par Sigmund Freud : attirants et angoissants à la fois. Jalonnés de formes phalliques et fantomatiques, ces territoires lunaires sont emprunts d’une douceur érotique. Ils sont formés de formes racinaires, cellulaires ou volcaniques. Méduses, racines, chevelures, cornes et veines rythment les compositions. Certains de ces éléments surréels sont isolés et comme scrutés par l’artiste. Ainsi, elle dissèque et juxtapose le monde végétal, physiologique, animal, et nous fait entrer dans un univers exaltant.
Au cœur des forêts abandonnées, surgissent des femmes spectrales et éblouissantes. Leurs corps, nus ou enveloppés dans des combinaisons corsetées ou des robes légères, reflètent les différentes facettes de ce que peut être le féminin, la femme. Dominatrice, sensuelle, animale, rêveuse, amoureuse, mystérieuse, provocante et tentatrice. Tour à tour, seules ou à plusieurs, elles peuplent un imaginaire impudique, luxuriant et voluptueux. Tantôt magiciennes, tantôt sorcières, chevauchant des troncs chimériques. Armées de lances métalliques, elles soulèvent non sans peine le jeu du destin, les sentiments, les tourmentes et des désirs. Des postures et accessoires qui nous mènent vers une réactualisation d’une mythologie obsolète. Mirka Lugosi active de nouvelles Diane chasseresses et sensuelles, de nouvelles Aphrodite impudiques et insolentes ou encore de nouvelles Perséphone troublantes et diaphanes. Elle fabrique sa propre mythologie, dans laquelle elle apparaît de temps à autres.
Du haut de leurs talons noirs, les femmes de Mirka Lugosi se jouent des images préconçues de la femme étroitement envisagée comme le prolongement de la nature. Nous assistons à une fusion de leurs corps avec ceux de créatures hybrides ou d’éléments organiques mystérieux. Soulevant le bas de leurs robes avec un sourire non dissimulé, leurs sexes sont comme offerts et caressés par une faune et une flore surnaturelle. Ainsi, s’opère un jeu érotique et troublant. En ce sens, Mirka Lugosi met en œuvre une complexité iconographique et un répertoire personnel qui n’est pas sans nous rappeler l’imagerie d’artistes comme Frida Kahlo, Leonora Carrington, Yves Tanguy, Valentine Hugo ou Marx Ernst. Les corps fragmentés, hybridés, érotisés des femmes lugosiennes proviennent d’un imaginaire intemporel et fantasmatique. Mirka Lugosi s’inscrit dans un héritage pictural, qu’elle remodèle et transfigure. Elle offre aux femmes qu’elle crée un territoire qui leur est exclusivement réservé. Un territoire où l’imaginaire et les plaisirs sont rois et où l’interdit est inenvisageable. Au sein de paysages phalliques, les femmes s’épanouissent et jouissent d’une liberté sans limite. Elle instille une pluralité sexuelle, où les femmes badinent et se lovent. La figure masculine est aussi évoquée par la présence de créatures hybrides, de formes oblongues, dont le rôle est de satisfaire les héroïnes de Mirka Lugosi.
Julie Crenn
                                                                                                                                                                         
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Texte de Gilles Berquet pour les paysages de Mïrka Lugosi
Quelque chose de naturellement artificiel.
Ce qui surprend dans l’approche du paysage par Mïrka Lugosi c’est sa capacité de percevoir plutôt que d’observer : elle ne dessine pas d’après nature mais depuis son image prise au piège d’un miroir sans teint. A l’instar de Laurence Sterne qui, avec son roman a sentimental journey through France and Italy (1768), contribua à faire du récit de voyage un genre nouveau à la fin du 18 ème siècle, Mïrka Lugosi nous invite à un voyage où le minuscule, l’inhabituel et le fugace prennent la place du répertoire classique de l’observation objective.Le paysage selon Mïrka peut alors prendre l’aspect d’une matérialisation (plutôt qu’une symbolisation) de l’inconnu. Jouant avec les formes capricieuses de la nature, s’inspirant d'elle pour mieux la transfigurer, elle nous invite à un voyage introspectif, comme si le paysage se déplaçait devant nos yeux et non le contraire. Voyage immobile donc, merveilleux mais effrayant, d’une beauté sans joie, profondément mélancolique mais terriblement exaltant. Tous les sentiments y prennent place car l’espace des dessins de Mïrka a, semble t’il, la capacité de se dilater à volonté comme la Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski, plus grande à l'intérieur qu’à l’extérieur, à peine quelques centimètres, mais cela suffit à compromettre la vision rationnelle que nous avons du monde. Les dessins de Mïrka Lugosi, et plus particulièrement ses paysages, ont cette fâcheuse habitude de paraître plus grands que leur cadre.  Ainsi dit elle que ses dessins sont à mémoire de forme, contenus aux limites du papier mais, à l’image de l’univers, en constante expansion. Si la dilatation de l’espace est l’une des préoccupations majeures de Mïrka, c’est probablement parce qu’elle perçoit dans le spectacle de la nature terrestre l’immensité de sa genèse. Elle nous livre son travail sans aucune forme d’explication et sans mode d’emploi, de sorte que chacun fasse son chemin  de voyageur sentimental en instituant un rapport émotif avec l’œuvre pour en saisir l’énergie. Le voyage quel qu'il soit a quelque chose d’initiatique, celui auquel nous convie Mïrka Lugosi l’est à bien des titres ; à travers la gamme éphémère des illusions, des apparences et des énigmes, il nous invite a saisir la nature vraie de l’homme, d’un lieu, d’une civilisation tout aussi éphémère.
Gilles Berquet
                                                                                                                                                                     
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Entretien et portrait par Guillaume de Sardes pour la revue PRUSSIAN BLUE #8 / 2015

MÏRKA, UNE BIEN ÉTRANGE INNOCENCE
Vos œuvres sont d’une grande délicatesse, mais elles suscitent chez le regardeur un sentiment mélangé, qui n’est pas sans rapport avec l’ « inquiétante étrangeté » telle que la définit Freud : un malaise né d’une rupture dans la rationalité rassurante de la vie quotidienne.  
Mon travail a en effet à voir avec la psychanalyse, dans la mesure où j’accepte l’idée de l’inconscient, d’un moi invisible qui travaille en sous-marin. Je pourrais même dire que je le sollicite… et donc cette impression d’ « inquiétante étrangeté » découle de ces petits déraillements, de ces microséismes rendus visibles dans mes dessins. Je m’attache en effet à faire apparaître très minutieusement des scènes qui pourraient véritablement exister mais qui ne sont pas inspirées par la réalité. En traitant chaque élément comme s’il était vivant, qu’il s’agisse d’objets, de personnages ou de nature, je perturbe ainsi la lecture de ce que nous considérons comme faisant partie du monde animé. Dans ces failles de perception, notre esprit doit se recaler… Le dessin d’imagination a ce magnifique pouvoir, et ce sont ces impressions obscures que j’aime mettre en lumière avec le graphite, la mine de crayon. Toutes ces choses dessinées sont faites de petits traits qui s’assemblent pour constituer un seul être surgi de cette matière grise. Je suis peut-être un peu « psychanalysable » moi-même, car j’ai cette irrépressible envie de détailler l’ensemble pour que chaque poil d’une fourrure et chaque nervure d’une feuille soient visibles comme autant de vaisseaux sanguins irriguant un cerveau. Mes dessins sont, d’une certaine manière, les écorchés d’une nature exubérante et prolifique. Je comprends que vous puissiez ne pas être tout à fait rassuré…
Certaines de vos œuvres tiennent du rêve. Quel est votre rapport créatif avec ce dernier ? Vous sentez-vous proche des surréalistes ?
Le dessin contemporain repose en grande partie sur une reproduction du quotidien ou du banal, qui passe par la copie de photographies. Mon travail se démarque de cette tendance par la recherche d’une construction inventée, et l’élaboration d’un vocabulaire visuel qui constitue dans le temps ce que l’on pourrait appeler mon « univers ». Les situations que je mets en scène ont quelque chose d’ambigu, d’une certaine manière cela s’apparente aux impressions oniriques, mais pour autant les rêves n’en sont pas la source d’inspiration. Ma démarche est tout à fait volontaire et contrôlée, ce qui n’est pas le cas des rêves ni des procédés surréalistes tels que l’écriture automatique. Le mouvement surréaliste fait bien sûr partie de mon bagage culturel, au même titre que tous les mouvements de l’avant-garde européenne du XXe siècle. Le futurisme plus particulièrement fut en lien direct avec les expériences sonores bruitistes que j’ai développées dans les années 80.
Quelles sont vos autres sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspirations sont très diverses. Maintenant que les fondations sont posées et solides, mon attention se porte sur des détails d’observation, multiples et sans hiérarchie. Je laisse ces informations libres de s’entrechoquer comme dans l’accélérateur de particules. Ce sont ces collisions qui formeront les nouvelles idées. Je trouve également beaucoup de matière à réflexion dans les propositions contemporaines, dans la multiplicité des voix individuelles. La musique, le son, le cinéma sont des sources extrêmement importantes pour l’entretien de mon jardin expérimental, tout comme les promenades dans le vent et l’orage.

Comme Balthus, il vous arrive de prendre pour sujet de vos dessins de très jeunes filles, mais aussi des biches… Faites-vous un lien entre l’érotisme et l’innocence ?
Vous avez choisi parmi l’ensemble de mes dessins les deux qui ont le plus d’ambiguïté en rapport avec cette notion de femme / petite fille ! Ce que j’aime chez Balthus, ce n’est pas tant qu’il peint des jeunes filles, mais qu’il a ce talent de créer du mouvement avec sa manière tellement figée. Ses personnages sont toujours en (dés)équilibre dans un arrêt sur image. De ce point de vue, son frère, qui préfère la personne de Roberte en femme mûre, fait un peu la même chose.  S’il y a beaucoup d’innocence chez Balthus, il y en a moins chez Klossowski (ou d’un autre genre), mais d’érotisme ils n’en manquent ni l’un ni l’autre. Je me sens un peu entre les deux avec mes jeunes filles qui n’en sont pas et mes histoires arrêtées quelque part à la cassure du film… Je pense qu’il y a en nous l’empreinte d’une révélation, d’une rencontre plus ou moins brutale, avec un événement qui nous fait passer d’un « continent innocent » à un monde adulte. Cela fait partie de nos facettes de construction, qui parfois brillent dans la lumière et parfois sont cachées dans les zones d’ombres de notre conscience, comme les quartiers de la lune qui se découvrent en alternance à notre regard. Chaque éducation renferme ses propres codes. La mienne fut vécue à une époque où la « chose » sexuelle était drapée d’un lourd silence. Tous ces débordements à contrôler ont fini par construire en négatif mon univers mental. Le temps du dessin est celui des voyages intérieurs et des transports d’images. Il est propice à la remontée de certaines impressions, de celles qui flottent dans la mémoire, comme des biches en liberté dans une clairière magique.
Votre monde est exclusivement féminin. Aucun homme ne semble le peupler. Pourquoi ?
En effet, je dois le reconnaitre, les hommes ne sont pas très visibles dans mon univers. Je ne l’ai pas décidé, mais je le constate... En fait ils sont présents sous des formes énigmatiques, dans la texture des pierres, dans l’écorce des arbres, les nervures des feuilles, ou sous les semelles des filles, si tel est leur désir ! Le dessin est une pensée en acte dans le prolongement du corps, de mon corps, et l’homme serait dans cette perspective, peut-être, un corps étranger. Il y a dans cette  configuration femme / femme un effet miroir qui me fascine, et qui joue comme auto-érotisme. Sachant qu’il existe certainement une forme secrète d’autoportrait dans mon travail, les filles invitées sur le papier seraient toutes des états différents de Mïrka. Ou bien, comme j’aime à l’imaginer, c’est une histoire de champ magnétique : la mine de mon crayon serait chargée d’une excitation particulière, un aimant qui aurait la faculté de n’attirer que les filles ! Tout cela étant bien sûr complètement inconscient...
Guillaume de Sardes

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Mïrka Lugosi
Démarche artistique.
« Je ne prétends pas dire ce que sont les choses, je raconte la sensation qu’elles me firent. »
Cette phrase de Stendhal pourrait à elle seule résumer ma pratique artistique, en ce sens où je m’applique davantage à observer et ressentir qu’à analyser.
Si cette pratique repose initialement sur le dessin, avec une prédilection pour la mine de crayon, je ne saurais me limiter à cette seule technique pour exprimer toutes les sensations qui nourrissent mon univers.
La photographie en particulier est devenu au fil du temps l’un des supports principal de mon expression artistique. La vidéo, en association avec l’expérience sonore, prend également une place importante dans le dispositif créatif.
Avec ces deux outils, comme avec le dessin, je pars d’éléments infimes que j’assemble pour en faire un récit.
Dans son ensemble, mon travail ne vise pas tant à reproduire la nature d'une façon objective qu'à s'inspirer des formes et des modèles naturels dans ce qu'ils ont de plus énigmatique.
À l'image du célèbre biologiste Ernst Haeckel (1834 -1919) qui sut si bien exalter les formes artistiques de la nature (Kunstformen der Natur - 1904), je me place en observatrice attentive d'un monde d'une infinie richesse, dans l'idée d'en souligner les détails les plus étonnants, qui passeraient pourtant inaperçus si on ne s'y attardait pas.