It’s About You
When I’m flying in the air, I really feel free, its really like real. In the other hand I’m bound with rope to the center of something.
Asagi Ageha
Asagi Ageha
1983, née Mirka Lugosi. Au début, c’est une identité fictive pour signer les images produites pour les médias et une presse féminine plutôt conservatrice - Cosmopolitan ou Marie-Claire notamment. Et puis, rapidement, elle se présente sous ce nom et signe avec son travail artistique. Elle illustre les textes érotiques de l’écrivain symboliste Pierre Louÿs et participe activement à la scène électro-bruitiste française. Elle est membre du groupe Entre Vifs fondé par les artistes Zorïn et Ruelgo dans les années 80. Elle y explore les enjeux de la sculpture sonore et de l’improvisation collective en circuit. Sur scène, elle active des objets, joue sur une grille de frigo avec une brosse métallique, manipule des éclateurs en hurlant. C’est l’époque des angles affutés, des couleurs saturées, Nina Childress participe à la fondation du groupe Lucrate Milk et Cosey Fanni Tutti quitte Throbbing Gristle afin de voler de ses propres ailes. Lydia Lunch tourne avec Teenage Jesus and the Jerks, Atomic de Blondie passe sur les radios françaises et L’Empire des sens de Nagisa Ōshima est rejoué dans les salles d’art et d’essai. Mirka, elle, performe en femme-cyborg et s’invente ce nom dont elle aime la musicalité. Il possède des connotations ténébreuses empreintes d’ambiguïtés sexuelles : Mirka, en référence à l’héroïne Carmilla, de la nouvelle au titre éponyme publiée en 1872 par l’auteur irlandaise Sheridan Le Fanu; Lugosi, en référence à l’acteur Béla Lugosi connu pour ses incarnations du comte de Dracula immortalisées par Tod Browning en 1931.
Elle commence ainsi sa collaboration avec le photographe Gilles Berquet. Elle pratique la contrainte de la pose et devient ainsi travailleuse du sexe sans revendiquer de place particulière sur la scène fétichiste. Et cependant… son expérience de la sujétion est encore un moteur de création revendiqué par l’artiste comme le montre la série Les expérimentales. Mirka y développe tout un vocabulaire féministe queer lié à la question de l’activation du plaisir, de l’autonomie, du jeu avec des instruments. Comme toujours, elle représente des femmes dans des mondes sans hommes, occupées et stimulées par ce qu’elles font. Concentrées, elles sont agissantes sur la matière et improductives. Elles vivent des expériences uniques dans les espaces très privés de l’imaginaire et de la créativité - c’est pourquoi ils sont érotiques. Pour Lugosi, ces femmes s’exercent et ont du pouvoir sur ce qu’elles font. Elle dessine les espace-temps enveloppant qu’elles possèdent, dans lesquels elles sont comme métaphysiquement suspendues. Et ici, il n’y pas d’intrusion.
Utopie ou maîtresse?
Je pencherais pour la deuxième hypothèse car l’attitude des protagonistes, leurs looks science-fiction de l’entre-deux-guerre ou comics nord-américains, ainsi que la dimension performative de leurs actions, évoquent ces espaces d’émancipation autonomes où s’exercent les limites élastiques de la liberté. Asagi Ageha en parle comme d’une expérience en réalité, c’est-à-dire enchâssée dans un réseau de dépendances matérielles aux effets émancipateurs bien réels sur le corps et l’imaginaire. Les expérimentales, comme elle, dissolvent les chaînes avec la complicité des objets.
Elle commence ainsi sa collaboration avec le photographe Gilles Berquet. Elle pratique la contrainte de la pose et devient ainsi travailleuse du sexe sans revendiquer de place particulière sur la scène fétichiste. Et cependant… son expérience de la sujétion est encore un moteur de création revendiqué par l’artiste comme le montre la série Les expérimentales. Mirka y développe tout un vocabulaire féministe queer lié à la question de l’activation du plaisir, de l’autonomie, du jeu avec des instruments. Comme toujours, elle représente des femmes dans des mondes sans hommes, occupées et stimulées par ce qu’elles font. Concentrées, elles sont agissantes sur la matière et improductives. Elles vivent des expériences uniques dans les espaces très privés de l’imaginaire et de la créativité - c’est pourquoi ils sont érotiques. Pour Lugosi, ces femmes s’exercent et ont du pouvoir sur ce qu’elles font. Elle dessine les espace-temps enveloppant qu’elles possèdent, dans lesquels elles sont comme métaphysiquement suspendues. Et ici, il n’y pas d’intrusion.
Utopie ou maîtresse?
Je pencherais pour la deuxième hypothèse car l’attitude des protagonistes, leurs looks science-fiction de l’entre-deux-guerre ou comics nord-américains, ainsi que la dimension performative de leurs actions, évoquent ces espaces d’émancipation autonomes où s’exercent les limites élastiques de la liberté. Asagi Ageha en parle comme d’une expérience en réalité, c’est-à-dire enchâssée dans un réseau de dépendances matérielles aux effets émancipateurs bien réels sur le corps et l’imaginaire. Les expérimentales, comme elle, dissolvent les chaînes avec la complicité des objets.
texte de Marie Canet, écrit pour l'exposition.
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représentée dans SOME OF US Artistes contemporainexs, une anthologie
sous la direction de : Marianne Derrien, Jérôme Cotinet-Alphaize, Adrien Elie, Arianne Bosshard & Olivier Huz.
Manuella Éditions / 2024